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Napoléon & Empire

De Bonaparte à Napoléon Ier

Je m'inquiète pour la pérennité de l'Empire : "Pourvou qué ça douré !"

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Saurez-vous retrouver qui se cache derrière cette définition ? Attention, il y a peut-être un piège

Bataille(s) du mois

2 décembre 1805 : Bataille d'Austerlitz

Napoléon monte à cheval et quitte son quartier général à quatre heures du matin, afin de vérifier que l'ennemi n'a pas procédé pendant la nuit à des mouvements imprévus. Celui-ci, au contraire, a continué de s'étendre sur sa gauche en direction d'Aujest [Újezd u Brna] et de Telnitz [Telnice]. Dans le même temps, une autre masse de troupes austro-russes a marché du centre vers Holubitz [Holubice], au nord. Le centre ennemi ainsi affaibli est quasiment offert aux coups des Français.

Au lever du soleil, les alliés sont en train de dégarnir le plateau de Pratzen. Napoléon se garde bien d'interrompre ce mouvement et retient un moment encore Soult et ses bataillons, déjà prêts à se lancer à l'assaut du plateau depuis Puntowitz où ils se sont discrètement massés en colonnes d'attaque à la faveur du brouillard.

Quand l'ennemi débouche en force du côté de Sokolnitz et Telnitz, Napoléon donne le signal de l'offensive. Les 1er, 4ème et 5ème corps, ainsi que la réserve de cavalerie, commandés par Bernadotte, Soult, Lannes et Murat, s'ébranlent simultanément.

Bernadotte marche sur Blasowitz, soutenu sur sa gauche par Murat. Lannes avance des deux côtés de la route de Brunn. La garde et la réserve suivent Bernadotte à distance en surveillant le centre. Soult surgit des ravins de Kobelnitz [Kobylnice u Brna] et Puntowitz. Davout reçoit l'ordre de quitter Raygern [Rajhrad]  pour venir soutenir les deux brigades laissées face à Buxhowden dans les défilés de Telnitz et Sokolnitz.

Soult, après avoir atteint le plateau de Pratzen, tombe sur une colonne austro-russe en formation de marche, avec en son sein l'empereur Alexandre, le général Koutouzov et leur état-major. Un combat bref mais d'une extrême violence s'engage. Les bataillons russes et autrichiens sont enfoncés. L'empereur Alexandre doit exposer sa personne pour rallier les troupes mais ne peut rétablir la situation. Les alliés sont repoussés sur Hostieradek [Hostěrádky-Rešov] puis font retraite vers Waschan [Vážany nad Litavou]  en abandonnant leur artillerie enlisée. A 9 heures, le plateau est entre les mains de Soult.

A l'extrême gauche, Buxhowden débouche tout juste de Sokolnitz et Telnitz quand Davoust arrive de Raygern. Le maréchal positionne des dragons devant Telnitz puis remonte le le cours du ruisseau Goldbach jusqu'à Sokolnitz. Le village est pris et repris plusieurs fois. La mêlée s'étend jusqu'à Maxdorf [Dvorska]. Mais ces combats restent secondaires.

A droite (au nord), Bagration marche pour attaquer le Santon. Mais la réserve du grand-duc Constantin, qui doit le soutenir, arrive trop tôt sur Kruh [hameau inclus aujourd'hui dans Holubice] et se retrouve en première ligne face à Bernadotte et Lannes. L'arrivée de Liechtenstein, avec la cavalerie, ne modifie qu'un moment le cours du combat. Chargés par Murat, les uhlans russes sont repoussés et décimés par le feu de l'infanterie française.

Le reste de la cavalerie est alors réclamé par Koutousof qui tente de renforcer son centre pour reprendre à Soult le plateau de Pratzen. Mais le prince de Liechtenstein ne peut lui envoyer que quatre escadrons. Trente autres sont placés entre Bagration et le grand-duc. Ce dernier se porte à la rencontre des Français et engage un violent combat d'infanterie avec la division Drouet d'Erlon. Napoléon fait intervenir la cavalerie de sa garde, sous les ordres de Bessières. Les Russes se replient à travers champs sur Krzenowitz [Krenovice]. Le centre austro-russe est enfoncé ; l'armée alliée coupée en deux.

Dans le même temps, Murat et Lannes prennent le dessus sur Bagration qui parvient à se retirer en bon ordre. Le succès n'étant plus douteux de ce côté-là, Napoléon se rabat à droite avec une partie de ses gardes et la réserve d'Oudinot pour parachever avec Soult la destruction de l'aile gauche ennemie.

A 14 heures, la bataille est gagnée pour les Français. Le Tsar et son état-major, qui ont pris la fuite une heure plus tôt, laissent à Koutouzov le soin de sauver ce qui peut l'être.

Les Russes, encerclés dans Sokolnitz, se rendent. Buxhowden se met en devoir de reculer vers Aujest, entre les lacs et les hauteurs occupées par les Français. Une attaque de Vandamme bloque 28 de ses bataillons. La tête de la colonne tente de fuir en traversant un lac gelé. La glace, fragilisée par les boulets français, cède sous le poids et engloutit hommes et canons. Le reste des fuyards se résigne à longer la rive du lac sous le feu ennemi. Malgré des pertes effroyables, ils parviennent ainsi à rejoindre Satschann [Zatcany], avant de prendre la route de Czeitsch [Cejc]. Ils doivent abandonner, sur les chemins rendus impraticables par la pluie et de dégel, le peu d'artillerie qui leur reste.

Défaits de tous côtés, rejetés sur la route de Waschan qu'ils ne peuvent suivre sous peine d'abandonner les restes de leur aile gauche, les Austro-russes en sont réduits à prendre la direction de la Hongrie puis de la Russie.

Événements du jour

3 décembre

1800

Victoire de Jean Victor Moreau à Hohenlinden.

1801

Début des négociations franco-anglaises à Amiens.

La raison d'être du site Napoléon & Empire

Rechercher « Napoléon Bonaparte » sur Google, c’est se voir proposer plus d’une dizaine de millions de résultats. L’idée d’ajouter une goutte à cet océan ne peut par conséquent venir qu’aux passionnés, résolus qu’ils sont à témoigner de leur fascination pour un personnage doté, selon Chateaubriand, du « plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine ».

Le site « Napoléon & Empire » ne revendique nulle autre légitimité.

Napoléon, selon nous, par sa volonté, son intelligence, son audace et son oeuvre, représente le prototype du « grand homme ». Même si ce concept est aujourd’hui considéré avec méfiance, il n’en reste pas moins qu’issu d’une lignée relativement modeste et d’une province périphérique tout récemment réunie à la France — Chateaubriand qualifiera sa famille de « demi-africaine » —, il se hisse au pouvoir dans un des plus vieux et des plus importants pays d’Europe, avant de se tailler un empire sur ce continent alors constitué des nations les plus prospères, les plus développées et les plus puissantes du globe. Même César, patricien né dans la capitale de l’Empire romain, ou Alexandre, héritier du royaume de Macédoine, ne peuvent de ce point de vue lui être comparés. Cette vertigineuse ascension, il la doit à son talent, bien sûr, mais également à son énergie et surtout à son activité — toujours, il parlera de son génie d’un ton quelque peu narquois, mais s’enorgueillira hautement de sa capacité de travail. Son parcours s’avère par là positivement révolutionnaire.

Son œuvre l’est tout autant. La période qui vit se dérouler la carrière de Napoléon, en vérité si courte, abonde à tel point en événements qu’elle n’a pas d’équivalent dans notre histoire. Il revint au Premier consul puis à l’Empereur de présider à la reconstruction, sur les ruines de l’Ancien Régime détruit par la Révolution, d’une société nouvelle appuyée sur de nouvelles règles juridiques, politiques et sociales. Moins éclatante que les prouesses militaires, cette refondation s’avéra plus utile et plus profitable à la nation — plus durable, également, dans ses effets, car l’édifice institutionnel qu’elle bâtit se montra d’une rare solidité et se maintint pour l’essentiel jusqu’au XXe siècle. La France érigea sur ce socle son état moderne, imitée en cela par nombre de pays européens.

Pourquoi, avec un pareil bilan, Napoléon suscite-t-il, à côté de tant d’admiration et de fascination chez certains, une telle hostilité chez d’autres ? Pourquoi les autorités françaises ont-elles préféré rester d’une discrétion de majordome anglais durant les années 1996-2015, alors que tant de bicentenaires glorieux ne demandaient qu’à être commémorés ? Le procès en rétablissement de l’esclavage qui a été intenté à Napoléon ne peut expliquer à lui seul ce phénomène, d’autant qu’il ne débuta qu’en 2005, et que d’autres occasions avaient déjà été gâchées dans les années précédentes.

La cause première tient certainement à la réputation de bellicisme qui s’attache à son nom et aux hécatombes dont on lui fait porter la responsabilité. Mais est-il bien le seul à blâmer pour les conflits incessants qui ont ravagé l’Europe pendant son règne ? N’y a-t-il aucun doute sur la volonté de paix de ses adversaires, et tout particulièrement de l’Angleterre, qui financera vingt-cinq ans durant les hostilités contre la France, son principal rival historique ? Alors certes, celui que beaucoup considèrent comme le plus grand génie militaire de tous les temps et qui en imposa toujours à ses ennemis sur le champ de bataille a pu abuser de cette supériorité. Il est cependant difficile de nier que ses entreprises guerrières aient poursuivi des buts autres que politiques. C’est Louis XIV qui avoue : j’ai trop aimé la guerre ; Napoléon, lui, s’en sert comme d’un outil et ne prolonge jamais les hostilités une fois ses objectifs atteints. Il est vrai que, jusqu’à ce moment, il la pratique sans états d’âme. Si le temps et l’évolution des mentalités ont gâté le prestige des grands conquérants, rappelons-nous cependant que Napoléon vivait à une époque où gloire militaire et héroïsme étaient ordinairement classés parmi les plus nobles accomplissements de la personne humaine et la guerre tenue pour une école de vertu. Il ne faut d’ailleurs pas retourner très loin en arrière pour retrouver le temps où les Hoche, Marceau, Kléber et Desaix étaient proposés en exemple aux enfants.

Le général Bonaparte, affirment certains, fut certes de la même trempe. Mais il ne mourut pas comme eux au tournant du siècle et se métamorphosa en un personnage tout différent : Napoléon Ier. C’est l’autre reproche récurrent qui lui est adressé : avoir étouffé la Révolution. C’est oublier — ou refuser de voir — que son régime se montrait le digne héritier de celle-ci lorsqu’il s’épuisait à en faire admettre les annexions par les souverains européens ; que l’Empire, en tant qu’entité politique, participait à la fois de la monarchie et de la république ; que les guerres qu’on dit napoléoniennes, si décriées, ont également entraîné l’effondrement de larges pans des institutions féodales et absolutistes à travers toute l’Europe ; que l’Empereur resta constamment plus populaire dans les classes inférieures de la société que dans les supérieures ; qu’il s’est toujours montré soucieux de fournir du travail aux ouvriers et d’approvisionner correctement les marchés !

Tout ceci, objectera-t-on, au prix de la liberté. C’est vrai. Il est impossible de le nier. Le tempérament, la formation reçue, se conjuguaient, chez Napoléon, pour lui faire haïr le désordre. Or il voyait en lui la conséquence d’une excessive liberté durant les années révolutionnaires. Il s’en méfia donc et la comprima de toutes ses forces. Ce faisant, toutefois, il ne rencontra qu’une faible opposition dans la société française, car celle-ci manifesta pour cette perte une indifférence assez générale dès lors que l’égalité, elle, était proclamée et assurée, tandis que l’éclatante grandeur de la Nation, qui approchait de fort près la domination totale de l’Europe, flattait l’orgueil de sa population. Le sacrifice consenti était, semblait-il, largement compensé. Et peut-être constituait-il la condition pour aboutir à cette synthèse de la France d’Ancien Régime et de la France Révolutionnaire qui fut, dès après le 18 brumaire, un des objectifs les plus opiniâtrement poursuivis par le consul Bonaparte comme par l’Empereur Napoléon. S’il ne l’atteignit pas, faute de temps, et si les élites respectives de ces deux groupes ne s’amalgamèrent pas, il les obligea néanmoins, tout au long de son règne, à coexister et à mettre leurs capacités au service de l’état, pour le plus grand bénéfice de celui-ci. Le Consulat et l’Empire composent en effet ensemble l’une de ces rares périodes de l’histoire de France où les succès de notre pays étaient acquis exclusivement aux dépens de puissances étrangères, et non d’une partie de son propre peuple.

Force est donc de constater que le personnage apparaît si divers que tout jugement le concernant s’avère nécessairement réducteur. D’où les témoignages contradictoires qu’il suscita tout au long même de sa vie et les appréciations si divergentes portées sur sa personne ou son œuvre. Comment trouver la case où ranger ensemble un jeune patriote corse, un souverain déchu, prisonnier et malade, un conquérant victorieux, un général révolutionnaire prisé des Robespierre puis de Barras, un empereur autoritaire ? Napoléon endossa pourtant tous ces rôles et bien d’autres encore, dans les sphères diplomatiques, politiques, administratives autant que guerrières. À lui seul, il est l’exception qui confirme — ou l’exemple qui invalide, chacun en jugera d’après sa conviction personnelle — la conception selon laquelle l’histoire s’explique par les lois générales de l’évolution des sociétés et non par les conséquences des choix de ses grands acteurs.

Pour conclure, nous affirmons que la vie de Napoléon Bonaparte représente l’un des plus prodigieux phénomènes de l’histoire, qu’il en est un de ses personnages les plus irréductiblement singuliers et pourtant les plus universels. Sa complexité fascine toujours, et dans le monde entier. Chaque génération trouve en lui de quoi alimenter ses propres problématiques. Nul doute que reste encore lointain le jour où son histoire cessera de s’écrire.

Lionel A. Bouchon

Mécène de la restauration du tombeau de l'Empereur